[Les fonds de tiroir] In The Flesh

J’ai toujours trouvé le concept des zombies assez chiant, pour tout avouer.
Enfin, les zombies du cinéma. J’adore les zombies de la mythologie, ambiance esclave mort-vivant pour sorcier vaudou. J’ai un problème avec le zombie de science-fiction, le monstre assoiffé de sang, le "virus" qui se propage et qui oblige les survivants à se réfugier dans des bunkers avec des fusils. J’ai un problème avec les mondes post-apocalyptiques à l’ambiance sombre et désespérante où l’être humain se retrouve confronté à sa propre nature monstrueuse/stupide (au choix), parfois sur fond de métaphore du châtiment divin un peu lourde.
MAIS j’ai récemment découvert que j’avais terriblement tort de dédaigner ces choses-là. D’abord parce que j’ai lu World War Z (mais nous y reviendrons une autre fois) mais aussi et surtout parce que j’ai regardé In The Flesh.


Alors on va se mettre d’accord immédiatement, hein : j’ai regardé In The Flesh parce que c’est une série gay. Voilà. Bon j’avais cru comprendre que c’était bien, quand même. Mais au départ, j’en avais rien à faire des zombies et je savais même pas qu’ils étaient des zombies ou d’autres trucs, tout ce qui m’intéressait c’était d’avoir ma dose de représentation homosexuelle dans les médias. Dans cette seule optique j’étais prête à accepter n’importe quel scénario, n’importe quel univers de science-fiction un peu bancal avec du mauvais maquillage et des situations rendues faussement dramatiques par la menace d’un mort-vivant errant dans la plaine en poussant des grognements.


Cependant, In The Flesh, série britannique sortie en 2013 sur BBC Three, créée par Dominic Mitchell qui n’a absolument rien fait d’autre, avec des petits acteurs plutôt inconnus dans les rôles principaux, donc trouvable uniquement en anglais avec des sous-titres amateurs, m’a prouvé en 5 minutes que je n’avais aucune raison de m’inquiéter. Plus que cela, In The Flesh m’a prise a revers, m’a fait une clé de bras,  m’a regardée droit dans les yeux d’un air déterminé et m’a murmuré à l’oreille :

« Ca parle de tout, sauf de zombies. »

In The Flesh, ça part du principe que toutes les personnes mortes (et enterrées) depuis 2009 sont soudainement revenues à la vie le 12 décembre à minuit, et ont commencé à errer dans la campagne en tuant des gens et en mangeant leurs cerveaux. Le truc classique. A part que personne ne se fait "infecter". Y a 144000 zombies en liberté selon le créateur de la série et c'est tout. Les autres gens meurent dévorés et ne reviennent pas.
Sauf que face à cette invasion d’êtres chers pourris et enragés qui se mettaient à tuer d'autres êtres chers, eh bien, les gens n’ont pas réagi de manière stupide ni monstrueuse, les gens ne se sont pas enfermés dans des bunkers. Bon, ils ont formé des ligues de défense qui allaient dégommer du zombie dans la forêt au début, mais au bout de quelques temps ils ont surtout inventé un remède. Un produit qu’on peut injecter aux morts-vivants pour leur faire retrouver lentement leurs capacités cérébrales, qui leur permet de cesser d’avaler des cerveaux et de reprendre une vie normale. On les capture et on les envoie dans des espèces de centres de désintox’ pour zombies où ils apprennent à parler de nouveau, à penser de nouveau, à accepter qu’ils ont tué des gens pour les bouffer mais qu’ils n’étaient pas en pleine possession de leurs moyens alors c’est pas grave.


Mon cerveau a explosé. Des zombies qu’on rend humains et qui ont des sentiments sur ce qu’ils ont fait, et qui doivent apprendre à vivre en société de nouveau. Oui parce que quand ils commencent à être suffisamment soignés, on les renvoie chez eux. Des morts ramenés auprès de leurs proches parfois après plusieurs années de deuil. Vous n’en avez pas encore suffisamment ?
On suit principalement les aventures de ce charmant zombie (pardon, PDS sufferer – on leur donne des noms politiquement corrects gnnn) visible ci-dessus, Kieren Walker, [mort à] 17 ans, d’un suicide, suite à un chagrin d’amour et un manque cruel de soutien de la part de son village de campagne aux idées plutôt conservatrices.
In The Flesh raconte donc comment un gamin qui a volontairement mis fin à ses jours revient à la vie sous forme de zombie et doit retourner vivre dans un village qui ne l’aimait déjà pas beaucoup de son vivant, mais encore moins depuis qu’il a dévoré quelques unes des personnes vivant là-bas.
Je deviens folle à ce stade.
Parce que je veux dire, ce concept a un potentiel énorme et la série ne fait que commencer à le couvrir. Les morts sont ramenés chez eux. On leur donne des noms médicaux pour faire moins peur, on forme du personnel médical à prendre en charge des gens qui souffrent de pathologies complètement différentes de celles du commun des mortels, on essaie de réintégrer ces "malades" dans la société en leur disant de se couvrir les yeux avec des lentilles et le visage avec du fond de teint pour ne pas effrayer les bien-pensants.


Je ne fais qu’effleurer la surface là. C’est extrêmement riche. En vérité, il y a 3 épisodes d’une heure pour la première saison (ça devait s’arrêter là, les anglais aiment bien faire ça). Ensuite on a eu 6 épisodes pour la saison 2. Maintenant on est en train de se démener pour attirer l’attention et en obtenir une troisième (ce qui est un peu la raison de mon post). Mais j’ai l’impression d’en avoir regardé 48. Des fois y a des trucs qui sont un peu rapides mais la plupart du temps c’est juste tellement fort, ça transporte tellement loin que ma notion du temps en est complètement bouleversée. Il y a dix milliards de choses dont je pourrais parler et je me retiens parce que sinon ça ferait quinze pages.
Et en plus, la raison pour laquelle ça m’excite tellement, c’est que c’est bien fait. Le concept fonctionne bien, j’ai passé mon temps à extrapoler sur des détails bien placés, à avoir des orgasmes sur les images et les dialogues, à bénir l’imagerie religieuse qui d’habitude me hérisse le poil mais qui ici sert de fil rouge à l’ensemble de l’intrigue, parfois à peine perceptible et parfois frappant fort là où ça fait mal.


Après, je vais pas vous raconter tout ce qu’il se passe. Je vais pas vous raconter comment les parents de Kieren gèrent ça en se voilant la face, comment la population de Roarton s’est démarquée pendant les premières phases du "réveil" des zombies pour sa "ligue de protection des humains" particulièrement efficace et impitoyable, comment les gens se sont réfugiés dans la religion ou se sont montés la tête avec des idées superstitieuses, comment on nous présente un village dans toute la complexité de son point de vue sur une question finalement très très réaliste : qu’est-ce qu’on fait de ces gens qui ne sont pas comme nous ?
Et je ne vous parlerai pas non plus des zombies qui au contraire considèrent qu’ils sont ici chez eux et qu’ils ont des droits et qui forment des alliances et qui se font enrôler sur Internet par des mouvements radicaux de "libération", ou qui envoient chier le maquillage et essaient de se convaincre et de convaincre les autres qu’ils ne sont pas moins que des humains ; non je ne vous parlerai pas de ça parce que si je racontais tout ça j’aurais un peu l’impression de raconter la vraie vie.
In The Flesh c’est beaucoup plus qu’une histoire de zombies, c’est une histoire sur des êtres pour lesquels il n’y a pas de place et qui cherchent à s’en faire une, des êtres qu’on discrimine pour des raisons absurdes et de manière absurde, c’est une série sur l’identité, sur comment on existe et par rapport à quoi ou à qui, comment on choisit d’être et d’assumer des opinions.
Et là, quand on en est là, ouais, le principe de la menace d’apocalypse et du retour des morts, ça devient intéressant. Voilà une métaphore de l’humanité qui me plait. On s’en fiche un peu de comment on survivrait si c’était la fin du monde mais In The Flesh vous demande comment vous survivez ici et maintenant et ça, c’est important.


Alors, voilà : les épisodes sont un peu difficiles à trouver mais je peux vous filer des tuyaux. Vous pouvez aussi les acheter pour pas très cher sur Amazon ou sur la boutique officielle de la BBC, faut juste faire gaffe sur Amazon que les DVD soient en région 2 (Europe) sinon vous pourrez pas les lire. Evidemment c'est en anglais et les sous-titres sont en anglais aussi (c'est les sous-titres pour les sourds). Normalement, Canal + a acheté les droits au moins pour la saison 1 donc on est censés avoir une version française, mais quand ???????????? dans un million d’années
Y a un peu des moments où on voit du sang et des cicatrices pas très jolies, rapport au fait que c’est quand même des morts qui mangent des morts et tout ça. Je préviens simplement au cas où vous ayez besoin de vous préparer psychologiquement.
On pleure beaucoup devant quand on est une petite courge émotive comme moi (ou on hurle de désespoir sans réussir à pleurer, cf. mon dernier test).
Peut-être que vous en avez rien à faire que ça parle, sous couvert de zombies, de discrimination et de personnes qui existent hors des normes. Vous pouvez ignorer ça et trouver la série très bien quand même je pense. Parce que c’est vraiment bien pensé dans tous les cas.
Mais il faut noter que c’est la première fois que, quand deux garçons se regardent dans le blanc des yeux pendant de longues secondes et que je hurle « BON CA VA LA EMBRASSEZ VOUS », ils le font. Et ça, ça n’a pas de prix.

Post-Scriptum du 12/12: je suis pas mal les gens qui essaient d'attirer l'attention sur la série et ils viennent de lancer un site et ils ont fait un meilleur trailer pour la série que la promo officielle j'aime les fans.
A voir si vous voulez vous faire une meilleure idée de tout ça, à ne pas regarder si vous aimez pas trop les méchants zombies qui hurlent :

Haaa, j'en ai vu beaucoup, sur ton Tumblr, à tel point que je me demandais vraiment ce que c'était, parce que ça avait l'air extrêmement étrange. é_è

Et je déteste les zombies. Putain mon dieu qu'est-ce que j'ai horreur de ça. C'est pas une phobie, mais presque : le sujet me dérange. Tel qu'ils sont représentés la plus part du temps (agrou agrou on mange des cerveaux, on est des humains plus trop humains et on est métaphorique de la peur de l'homme contre lui-même), ça me terrorise, ça me dégoûte, et j'ai faillit vomir pendant ton article.

Sauf que j'ai faillit vomir parce que ce que tu présentes renverse complètement ce point de vue. Même, j'ai eu de l'empathie pour les zombies que tu as présenté, et c'est ça qui m'est insupportable (à cet instant T.)... Bon, alors autant dire que je ne regarderai pas ça, très clairement. Cependant je te remercie de toujours réussir à nous partager du contenu choc, parfois malsain parce qu'il pose les bonnes questions. Ca, ça n'a pas de prix, et c'est une grande force de réussir à bouleverser autant tes lecteurs avec si peu de mots et quelques images.

Voilà. Merci.

Awwwwww oui y en a plein sur mon tumblr parce que je suis absolument obsédée par ce truc. Comme tout, y a des phases et tout ça, y en aura sûrement moins dans quelques temps.

Donc je suis désolée si je t'ai mise mal à l'aise parce que c'était pas le but xD en même temps merci à toi, parce que ça fait plaisir si j'ai réussi à t'intéresser un petit peu malgré ça, mais désolée quand même xD

Et j'ai envie de dire que, enfin, c'est pas moi qu'il faut admirer là parce que c'est vraiment mon matériau de base qui pose des questions et qui renverse les habitudes et je suis pas si douée que ça c'est que je me suis laissée entraîner par mon enthousiasme pour les bonnes histoires >A<