[les fonds de tiroir] Sherlock

Cuicui, c’est l’été, les oiseaux chantent, le soleil brille et il fait exactement le genre de températures qui donne envie de fermer les volets et de s’affaler sur son canapé avec une boisson fraîche et un programme télé abrutissant à souhait.
 

 
MAIS comme je chéris vos petits esprits tel un savant fou caressant ses bocaux de formol, je n’ai pas l’intention de vous abandonner ainsi au triste sort de l’otarie échouée sur le cuir, et je me présente à vous les bras chargés de cadeaux, qui vous feront passer ce mois d’août affalés, certes, mais l’œil averti.
 
Je viens à vous armée de la série Sherlock.
 
Et là je sais ce que vous vous dites.
 
« Mais comment, Sherlock Holmes en série télé ? »
 
Eh bien oui. Figurez-vous qu’en 2010, la BBC a décidé de sortir le grand jeu, à l’occasion de la sortie d’une série d’anthologies appelée Masterpiece, qui consistait à présenter au public américain de nouveaux programmes dramatiques dont une grand partie étaient en fait crées par leurs cousins les anglais. Et donc, voici que pour l’occasion la chaîne britannique a sorti ses deux meilleures cartes, Steven Moffat (le scénariste des dernières saisons de Docteur Who) et Mark Gatiss, plus connu pour ses rôles d’acteur (il en a un dans la série d'ailleurs) mais aussi scénariste de Docteur Who, pour s’attaquer à un personnage tout aussi mythique.
Et c’est ainsi qu’est née la série sobrement appelée Sherlock.
 
 
Bref. Maintenant, sous vos yeux ébahis, je vais lire de nouveau dans vos pensées.
 
« Hé mais, ce ne serait pas le Londres moderne qu’on voit dans ce générique ? »
 
Mais oui chers téléspectateurs, bravo, vous gagnez une tringle à rideaux ! Sherlock est en fait une adaptation pour le 21^ème siècle des romans de Sir Arthur Conan Doyle. Pas de robes à frous-frous, de diligences ni de pipe pour nos personnages mais un 221b caché dans un immeuble aux allures un peu pauvresses, accueillant un Sherlock génial, froid et presque légèrement autiste, qui se colle des patchs de nicotine quand il a besoin de se détendre. Quant à Watson il est un ancien médecin militaire qui a pris sa retraite après s’être fait blesser en Afghanistan, au lieu d’être un… un ancien médecin militaire qui a pris sa retraite après s’être fait blesser en Afghanistan, c’est pratique pour la précision historique ces pays qui sont perpétuellement en guerre – après cette remarque cynique je retourne à mes activités.
 
La série se compose de deux saisons, qui font chacune trois épisodes. Oui, mais des épisodes d’une heure et demi, s’il-vous-plait. La troisième est en tournage et sort en novembre prochain en Angleterre. Elle ne suit que partiellement les romans, mélangeant parfois les événements venant des nouvelles de Sherlock Holmes pour offrir des histoires presque inédites, où on retrouve néanmoins toutes les grandes lignes de l’univers sous une forme qui convient mieux à notre époque.
 
Bon évidemment, je pourrais vous parler pendant encore longtemps du fait que l’adaptation est très réussie et tout et tout mais soyons honnêtes, je doute que qui que ce soit ici connaisse Sherlock Holmes plus que de nom et par les récents films – même pas moi – donc je vais plutôt vous dire que j’aime cette série pour autre chose.
 
Il se trouve que d’une manière générale, j’aime bien les trucs que font les anglais. Du moins au cinéma. Ils ont cette tendance à faire de jolies images, avec des compositions hyper classiques mais qui fonctionnent bien. Si vous aimez l’histoire de l’art, vous pourrez regarder Sherlock et disséquer les plans, voir apparaître les lignes directrices, la règle des tiers, les lumières et les contrastes. Et c’est pour ça que je vous en parle.
 
J’aime pas cette série à cause de Sherlock Holmes, bien que le personnage soit intéressant – peut-être plus dans la série que dans les films par exemple, où il est plus décalé que vraiment marginal, du moins on ne se rend pas compte qu’il l’est. Le Sherlock de la série est insupportable, le genre de personnage à la Docteur House qu’on aurait envie de frapper en temps normal. Mais ça fonctionne parce que cette série est bien écrite. Au niveau des scènes comme au niveau des dialogues d’ailleurs, on sent qu’ils ont voulu faire quelque-chose qui ait de l’ampleur, qui ne se contente pas d’une véracité historique ou d’une fidélité religieuse à l’œuvre originale, ils ont juste profité de la force du personnage de Sherlock pour créer un univers qui fait qu’on n’arrête pas de retenir notre souffle.
 
Vous savez quoi, je vais vous mettre un extrait pour que vous compreniez.
 
 
Voilà. Cette scène résume d’une part le personnage de Sherlock, qui fait chier son monde, qui boude et prend tout le monde de haut ; la façon dont les dialogues sont écrit en décalant les réponses aux questions, en jouant sur la linéarité pour donner un résultat artificiel et, j’ai envie de dire, théâtral, par extension. Et puis voilà, c’est joli, y a des contrastes, des rappels de couleur, des angles de caméra tout à coup inattendus, et la symétrie sur le dernier plan me donne envie de pousser un couinement de plaisir à chaque fois que je le vois. Sérieusement.
 
Je vais vous mettre un autre exemple sous spoiler parce que je vais vous montrer Moriarty (ce qui serait dommage parce que vous le reconnaîtriez avant qu'on ne sache que c'est lui, du coup), mais vraiment, il fallait que je montre Moriarty, Moriarty est l’essence même de ce que j’essaie de dire, le personnage est théâtral rien qu’en lui-même, c’est magique. On dirait qu’il danse et que tout le plan danse avec lui. Je l’aime.
 
 

Spoiler:

 
Et puis c’est Sherlock Holmes, il y a des enquêtes, des mystères et des résolutions qui tiennent à des détails, et la précision sur laquelle tient le scénario me fait avoir des orgasmes – on pourrait regarder cette série juste pour écouter Sherlock vous expliquer que la tache de ketchup sur la manche du coupable permet de retracer tout son itinéraire. Ca peut parfois avoir l’air gros, mais ça fonctionne, y a pas de pirouettes ni de poudre aux yeux pour te faire croire que tout tient debout, ça tient debout parce que deux scénaristes se sont cassés la tête dessus et c’est génial.
A la suite de cela, je pourrais ajouter une partie complète rien que sur les dialogues et tout ce qu’on y trouve de magnifique, sur le fait que je continue à regarder les épisodes juste parce que j’aime les répliques assassines qui s’y trouvent, mais je ne le ferai pas pour vous garder la surprise. Je pourrais aussi vous parler d’un tas d’autres trucs d’ailleurs, mais je ne vais pas le faire même si j’en ai terriblement envie. Parce que j’ai aussi envie que vous regardiez cette série et qu’on puisse en discuter ensuite tous ensemble.
 

Alors, profitez de vos vacances, pour y jeter un œil, okay ? o3o

Oh, un bon gros pavé que tu nous as pondu là. Je suis pas particulièrement fan de Sherlock Holmes (j'ai lu quelques nouvelles, pas vu les films), mais le personnage est culte. J'avoue que l'idée de reprendre le cadre et l'adapter au XXIè siècle c'est quand même une super idée, et un vent de fraîcheur pour le perso.

J'ai préféré pas regardé le plan que tu nous as montré avec la tête dans le frigo parce que je vois très bien ce que tu veux dire par le cinéma anglais, et moi aussi j'adore ça. Par contre j'ai pas résisté à regarder le passage avec Moriarty, c'est excellent.

Juste une précision par rapport au personnage original justement : il n'est pas vraiment marginal (selon moi). Certes il vit un peu dans son coin, il a des tics particuliers et il est trop captivé quand il examine une scène de crime pour faire attention aux alentours. Mais il est sociable, il plaît aux femmes, il est même séduisant (de mémoire. Je suis pas sûr que ce soit vrai, mais c'est réellement ce que j'ai ressenti en lisant), en partie grâce à son décalage d'ailleurs.

J'aimerais regarder mais ça va prendre du temps quand même... J'hésite.

Si tu veux faire le gros geek tu peux tout voir en une journée et en être débarrassé. Sinon, ça te fait un épisode par soir pendant même pas une semaine. :33

Et je te laisse apporter des précisions si tu en sais plus que moi parce que je n'ai réellement pas lu Sherlock Holmes - pas encore du moins - donc si tu peux en parler, ça pourrait être intéressant. Peut-être même en comparant, si tu décides de regarder ? :3

Je profite des circonstances pour upper le topic comme un gros porc parce que le premier épisode de la troisième saison est sorti il y a deux jours sur la BBC ! Donc, si vous avez envie de vous y mettre, c'est le meilleur moment ^w^