[Les fonds de tiroir] The Divide

Dites, est-ce que c’est moi ou  est-ce que cette rubrique devient de plus en plus malsaine ?
 
Non parce que ça m’embêterait un peu de mener la galerie des horreurs, vous voyez. D’accord, j’aime les trucs étranges, pas très connus et dérangeants, mais il faut que ça vous plaise à vous aussi, hein. D’ailleurs je pensais peut-être à prendre aussi des propositions, pour ceux qui auraient la flemme d’écrire eux-mêmes. Ca diversifierait un peu. Surtout que je m’apprête à franchir un cap qu’il me serait vraiment difficile de tenir ensuite.
 
Je vais aujourd’hui vous parler de The Divide.
 
 
C’est rigolo parce que pour une fois, je vous propose un film qui a été réalisé par quelqu’un qui a aussi adapté un jeu-vidéo au cinéma. Il s’agit de Xavier Gens, un français, qui avait adapté Hitman en piochant dans les sous de Luc Besson. Alors, JE SAIS. On sera tous d’accord (je suppose ?) pour dire que l’adaptation d’Hitman est une sous-merde plate et insipide. D’ailleurs il parait que les autres films de Xavier Gens sont aussi plats et insipides. Je sais pas, je les ai pas vu. Mais il paraît aussi que The Divide est une bonne surprise, comparé au reste. Je sais pas non plus mais en tout cas, c’était suffisamment intéressant pour que je vous en parle.
 
The Divide est donc un film de 2011, indépendant (donc réalisé sans l’aide de Luc Besson, tu m’étonnes que ça soit meilleur désolée je clasherai plus après ça), qui met en scène une dizaine d’acteurs et utilise un seul décor. Budget limité, toussa toussa, j’en parle juste un peu parce que j’aurai besoin de cet argument plus tard. En vérité, pour l’instant, on s’en fiche. Sachez juste qu’il y a Milo Ventimiglia dedans (qui a joué dans presque rien sauf Heroes), Lauren German (qui joue dans presque rien aussi), Michael Elkund (que je connaissais pas non plus mais qui m’a franchement convaincue), Rosanna Arquette qui a joué dans un peu plus de trucs (comme Le Grand Bleu par exemple, ou Recherche Susan Desespérément – qui a dit que je regardais jamais de trucs niais ?) et Michael Biehn qui a joué dans carrément plus de trucs notamment Planète Terreur ou Terminator.
 
Pour ce qui est de l’histoire, tout est dans le trailer : The Divide, c’est l’histoire de la fin du monde, de New York qui s’écroule, et dès les premières secondes, on voit les locataires d’un petit immeuble courir dans la cage d’escalier pour rejoindre une cave aménagée en bunker par l’un d’eux, et s’y réfugier le temps que l’explosion apparemment radioactive ait terminé de tout détruire à la surface. Je dis « apparemment » parce qu’on a très peu d’explications sur tout ça. Ensuite y a des gars en blanc qui débarquent,  capturent une petite fille, ça crie, ça se frappe à l’arrière de la tête avec des parpaings, mais ce n’est qu’un prétexte pour enfermer dans une cave un petit groupe de sept ou huit survivants, dont un blessé et une mère désespérée, qui vont devoir s’organiser pour survivre en attendant que… quelque-chose se passe.
 
Et voilà. The Divide a l’air de n’importe quel film d’horreur à ambiance claustrophobe et malsaine où on sait rapidement qui va mourir en premier, qui va devenir un gros enfoiré, et qui va survivre jusqu’à la fin sans se faire remarquer.  Mais j’ai vu beaucoup de films d’horreur dans ma vie et j’ai vu beaucoup de grosses daubes, et the Divide, bien qu’il ne soit pas exempt de défauts, ne fait pas partie de cette dernière catégorie.
 
 
Je vais pas mal spoiler par la suite donc peut-être que si vous avez envie de le regarder sans a priori, il faudrait le faire maintenant et lire ensuite, mais si vous vous en fichez, voilà ce qu’il se passe après :
 
Les personnages inintéressants meurent rapidement, histoire de faire de la place. Le premier gars, celui qui a aménagé la cave en bunker et rempli les étagères de haricots en conserve, commence à avoir l’air suspect et sous l’effet de la fatigue et de l’énervement, les autres se dressent contre lui. Il s’installe une sorte de hiérarchie où les hommes les plus jeunes et les plus hargneux se placent en figures d’autorité violente pendant que les autres baissent la tête, et les deux personnages féminins se retrouvent dans des positions inconfortables. A partir de là, ça devient gore, malsain et dérangeant (enfin, il parait, moi, j’ai pas été gênée mais moi j’ai lu Le Corps Exquis, ça immunise j’imagine) et la tension monte jusqu’aux limites du supportable.
 
Ca a l’air tout à fait cliché et insipide ? Oui. Je suis partie d’un aussi mauvais a priori en commençant, mais il s’avère que ce n’est pas tout à fait aussi nul que ça.
 
En fait, c’est pas nul parce que ces évidences, ces comportements qui se mettent en place de manière extrêmement attendue, sont amenés par une psychologie subtile et travaillée, de manière à ce qu’on se lie aux personnages et à ce qu’on réalise que oui, en fait, ces comportements évidents sont juste évidents parce qu’ils font partie de la nature humaine.
 
Donc, on reprend. L’une des deux femmes voit sa petite fille se faire emporter par des inconnus et n’a aucun moyen de la retrouver, pour peu que celle-ci soit encore vivante. Alors elle devient folle, elle se met à hurler et à se cogner contre les murs et ils sont obligés de l’enfermer dans un placard parce que c’est déjà assez tendu comme ça sans qu’on ait besoin de hurler sur une hystérique. Vous auriez fait pareil. Et après avoir expérimenté la solitude pendant plusieurs jours, elle se calme, et se réconforte en sautant sur le premier gars venu. Je vous vois venir avec vos « ha ben fallait bien une pute ». Oui, sûrement. Mais c’est pas la blondasse de service, c’est la mère célibataire qui devait déjà être en manque à la base, frustrée et épuisée parce qu’elle s’occupe de sa fille seule dans un contexte qui, pour ce qu’on en sait, était sûrement pas joyeux avant non plus. Une nana qui est maintenant désespérée et cinglée. La dignité, à ce stade, on s’en fout. En fait, quand on la voit dans son placard à essayer de se frotter les bras pour se réchauffer, on a presque envie que quelqu’un vienne lui faire un câlin. Alors quand ça arrive, ça choque pas. Vous auriez fait pareil.
 
 
Et voilà où The Divide s’en sort très bien, c’est que les personnages sont attachants et ont des comportements logiques. La fille couche avec un gars qui la passe à son pote et ces deux-là deviennent les leaders du groupe et commencent à se comporter comme une merde avec elle avant de se comporter comme des merdes avec les autres, c’est logique comme évolution. Elle est passée au stade de pute, elle a plus un statut humain, c’est comme les serial killers qui commencent sur les animaux. Vous auriez pensé de la même manière. Et se comporter comme de la merde avec les gens, quand on est enfermé dans une cave pendant des mois et qu’il y a même pas une douche, même pas un matelas décent,  et de moins en moins d’espoirs de survie, c’est normal. Vous auriez fait pareil.
 
En toute honnêteté. C’est un truc que j’ai toujours reproché aux films d’horreur que je regardais, c’est que les personnages sont toujours clichés et que l’histoire est prévisible au possible quand ils courent vers le piège on a envie de facepalm et de crier « MAIS NON C’EST N’IMPORTE QUOI TU PEUX PAS FAIRE CA». Mais franchement, là, tout se déroule, certes de manière prévisible, mais normale : on s’y attend parce qu’on est pas dans l’idée qu’on aurait fait autrement, au contraire on est sans cesse dans l’idée qu’on aurait fait la même chose. Le gars qui commence à garder la bouffe pour lui histoire d’avoir de l’autorité sur les autres, c’est le premier réflexe qu’aurait n’importe qui pour éviter de se faire rapidement étriper et remplacer (pensez aux régimes totalitaires) – en plus ils sont deux donc ils se soutiennent mutuellement et ça rend cette réaction encore plus légitime. La deuxième fille qui rase les murs parce qu’elle sent bien que si elle se fait remarquer, elle va finir dans le même sale état que la première, c’est un instinct de survie parfaitement normal. Le gars qui fait semblant de jouer le jeu parce qu’il a pas envie que la hache qui a servi à découper les morts ne vienne lui découper la tête, c’est aussi un instinct de survie. On s’en sert tout le temps dans la vie de tous les jours, quand on évite discrètement le conflit en évitant d’argumenter avec quelqu’un juste pour être tranquille, et The Divide vient seulement exacerber ça. Et il le fait à merveille. Et on a pas cette succession ennuyeuse et stupide de morts toutes plus gores les unes que les autres juste pour le spectacle ; les personnages s’effacent simplement l’un après l’autre, sans un bruit, jusqu’à ce qu’il ne reste que les personnages principaux, et petit à petit le cercle d’influence se resserre et il s’instaure d’autres règles, d’autres rapports de force ; et pour vous dire : même le gars qui sur la fin commence à porter une robe et à se tartiner de rouge à lèvres, je l’ai senti venir, et pas seulement parce que j’ai l’habitude de voir des gays partout, mais parce qu’il devient évident au bout d’un moment que, puisque la blonde est hors-service, il va s’instaurer un autre rapport de domination entre les deux personnages masculins qui jusque là étaient égaux parce qu’ils pouvaient taper sur la même troisième. Et honnêtement, cette scène où on le voit se maquiller devant le miroir avec ses grands yeux épuisés et tristes est carrément poignante, même si elle est en décalage avec ce qu’on attend de quelqu’un de normal. Parce que le film a si bien réussi à nous entraîner dans son atmosphère qu’on ne sent pas le décalage. Parce qu’on sent que celui-là a deviné ce qu’il allait se passer même quand les autres n’en sont pas encore au même stade avancé de folie. Et qu’il prend juste de l’avance.
 
 
Alors, au risque de casser un peu abruptement l’ambiance, je reconnais qu’il y a aussi de mauvaises choses dans ce film. A croire que faire un film d’horreur digne de ce nom est vraiment mission impossible. Enfin, ce qu’il y a à lui reprocher, que d’autres lui ont reproché aussi quand je lisais leurs critiques, c’est qu’il y a quand-même du spectacle ; des scènes gore et sexuelles déplacées qui ne viennent par apporter grand-chose sinon « regardez vous vouliez un film d’horreur vous en avez pour votre argent », un début de scène de cul qui sert à faire diversion sur la fin, pas vraiment convaincante et qui dure des heuuuures alors que n’importe qui aurait compris tout de suite, surtout dans un climat de méfiance pareil, qu’elle faisait juste semblant pour gagner du temps ; et un reproche que j’ai trouvé particulièrement vrai, c’est que c’est Lauren German, le personnage féminin le plus discret, qui mène le film en réalité ; c’est sa force à elle qui est admirable parce qu’elle résiste à la folie générale là où les autres sombrent petit à petit, c’est elle qui est forte et c’est elle qu’on devrait voir, mais elle est éclipsée au profit des deux personnages masculins probablement pour une histoire de montrer du sang et des pectoraux et s’assurer du succès auprès des fans du genre.
 
Un autre gros reproche à faire au film c’est que le contexte général aurait mérité d’être travaillé. On commence à voir des trucs, il y a des questions qui commencent à être posées, il y a une fin qui propose une ouverture sublime, mais ça ne fait chaque fois que commencer et ça reste en suspens. Et c’est triste parce que je ne sais pas si ça aurait rendu le film meilleur, mais ça nous aurait au moins évités de passer la première partie du film à attendre que quelque-chose vienne de l’extérieur alors que c’est sur l’intérieur qu’il faut se concentrer.  Alors, après, je reprends mon argument de tout à l’heure : c’est un film indépendant et ils avaient ptet’ pas les moyens de fabriquer tout un univers futuriste, surtout pour qu’il ne serve finalement à rien puisqu’on n’en verra qu’une cave. Et quelque-part le fait de nous plonger directement dans l’ambiance n’est pas une mauvaise chose – prendre une demi-heure avant pour tout expliquer, ça aurait été ennuyeux. Mais ça manque d’allusions et d’explications sur un tas de choses, surtout sur certaines relations entre certains personnages et c’est dommage parce qu’elles auraient pu apporter quelque-chose d’excellent au film.
 
 
J’ajouterai aussi que les acteurs sont étonnamment convaincants – j’avoue que je m’attendais à ce que ça soit particulièrement mal joué, aussi, donc peut-être que ça aide – et que certaines images sont étonnamment jolies au milieu de tout ça. J’ajoute aussi que le travail de maquillage, que vous avez pu constater sur les photos promotionnelles disséminées dans ce post, est purement et simplement épique et que des fois j’ai envie de devenir maquilleuse pour faire ça. Voilà, donc franchement, je pense pouvoir conseiller ce film sans trop de risques. Ce sera pas une séance détente, vous aurez sûrement pas de révélation devant, mais je pense que vous pourrez en tirer du bon vous aussi. ;)
 

Magiquement glauque!

Ce film malgré un scénario pauvre et une mise en scène passable (les 10 dernières minutes m'ont fait frôler l'épilepsie) m'a mis mal a l'aise, ton analyse colle parfaitement avec se que j'ai ressenti en matant le film;
Non pourquoi...moué j'avoue ça se pourrait bien en fait!

Haha, la fin est assez moche j'avoue. On sent qu'il voulait faire un truc impressionnant mais ça l'était pas du tout, en fait. /D
A vrai dire à propos d'épilepsie, d'une manière générale j'ai été assez confuse tout le long parce que j'arrivais pas à comprendre l'agencement des pièces - et c'est super désagréable d'être sorti de l'intrigue à chaque changement d'angle de caméra juste parce que "hé mais ça, c'était là tout à l'heure ?" ou "mais bordel par où ils passent pour atteindre ces toilettes ?" (j'ai toujours pas compris). Mais c'est peut-être juste moi, donc bon.

Contente de trouver quelqu'un qui connait aussi /o/ je me sens un tout petit peu moins bizarre du coup. UwU

Topic ouvert le 30 septembre? On est le 6 octobre? Boarf. J'ai juste une semaine de retard, désolé. /3

T'as le droit de poster tous les trucs glauques que tu veux. Pour l'instant, je pense que le pire, c'était Le corps exquis qui donnait vraiment envie de vomir. Là, ça semble gentillet, en comparaison.
C'était sympa à lire, en tout cas. C'est assez accessoire, mais j'aime bien le fait d'avoir mit les images promotionnelles : y'en a beaucoup et ça espace bien ton texte. Surtout que là, elles sont quand même assez spéciales : ça montre toute l'évolution des persos sans pour autant montrer le film... Ouais, elles sont bien faites, ces images. :B

Je pense pas le regarder, parce que les films, c'est pas mon truc, mais l'article était bon, merci Nionne. :33

Haha, c'est pas grave Koten, c'est quand même gentil de commenter. <3 Au moins je sais que les gens ont lu, comme ça. J'ai toujours peur de vous ennuyer. ;w;

Et ouais, j'aime ces affiches moi aussi, quand je les ai trouvées j'ai été super contente. :D Ca met en bouche sans rien montrer et puis j'aime bien parce que pour le coup, c'est un film assez peu "visuel", paradoxalement. Ce qui est intéressant c'est le développement de la situation, plus que l'image. Donc ces affiches, ouais, elles sont bien faites. <3

Et j'essaierai quand même de varier les plaisirs. Mais si Le Corps Exquis vous a tellement marqués, dans un sens, ça me rassure quant à ce que je peux poster. J'avoue que je ne trouverai sans doute rien de pire. Mais tout de même, c'est un très joli livre, vous savez. <3

Bonjour je remonte on post comme ça mais parce que j'ai appris un truc l'autre jour qui était plutôt cool et j'ai voulu le partager parce que je trouve que ça colle bien à mon thème. Parce que vous voyez, j'ai cet amour particulier pour ce film et pour le comportement très réaliste des personnages ?

Eh bien il y a une scène dans le film où le personnage joué par Michael Biehn, Mickey, est attaché à une chaise pendant que les autres personnages essaient de lui faire cracher la combinaison du coffre fort où il garde sa bouffe. Et le personnage de Josh joué par Milo Ventimiglia était censé le menacer et lui couper les doigts au fur et à mesure pour le faire parler, mais le réal' l'a laissé improviser et faire ça comme il le sentait. Par contre, il a dit à Biehn que puisque Mickey ne pouvait pas se défendre physiquement, il devait se défendre verbalement, les attaquer avec des mots. Et Biehn de répondre aux insultes avec autant de hargne, de faire monter la tension jusqu'au moment où il finit par cracher à la tête de Milo Ventimiglia.
Et ce dernier a été tellement vexé, qu'au lieu de couper les doigts de Mickey il lui a craché dessus en retour.


Et c'est cette scène qui a été gardée parce qu'elle était beaucoup plus sincère et frappante que n'importe quelle autre scène qu'ils auraient pu tenter, parce que c'était un vrai accès de colère qui a maintenu la tension entre eux tout le long du tournage. Et même si je peux trouver ça vaguement terrifiant de penser que des gens ont oublié qu'ils jouaient des fous furieux dans un espace clos post-apocalyptique, c'est un exemple parfait de tout ce que j'ai essayé d'illustrer dans mon pavé : ça fait vrai, ça fait organique, on peut se sentir proche des personnages même quand ils sont des enfoirés, et pour le coup ça fait vrai parce que c'était improvisé et que c'était vrai. Et c'est magnifique.

Voilà, bisous bisous.