[Les fonds de tiroir] Hemlock Grove

Bonjour les gens.

(Bonjour Kanaaaaaaa.)

J’ai une confession à faire, ça fait des années que je suis alcooliqu*PAF* d’accord, d’accord ! Ca fait des années que je suis accro aux œuvres fantastiques de bas étage.

Je n’ai pas honte d’annoncer que ça a commencé avec une certaine trilogie écrite par Stephenie Meyer, en revanche je me sens un peu sale d’avouer que j’ai largement profité de la vague par la suite. Parce qu’il faut admettre que c’était pas franchement fameux. D’autant que, rebutée par l’aspect assez « pornographie sous couverture » des collections Milady (sérieusement, c’est quoi ces quatrième de couverture qui parlent toujours d’hommes mystérieux et sexy, je m’en fous moi des hommes mystérieux et sexy), je me détournais rapidement des True Blood et autres séries qu’on aurait pu considérer comme matures pour plonger plutôt du côté des amourettes pour adolescentes, copies et recopies des mêmes schémas narratifs dans lesquels on pouvait juste remplacer un personnage et un phénomène surnaturel par un autre (l’exemple le plus flagrant que j’aie en tête étant 16 Lunes de  Kami Garcia et Margaret Stohl, dont les deux premiers tomes suivent exactement le même format que Twilight à part qu’on a mis le garçon à la place de la fille et inversement), persuadée qu’à force de me gaver de sous-merdes désespérantes, j’allais tomber sur la perle rare.

Mais je vais vous épargner l’effort, la mode des vampires et des garçons aux airs mystérieux n’a fait que permettre aux éditeurs de ressortir une montagne d’histoires sans intérêt menées à la première personne par des personnages insipides faits pour qu’on puisse facilement s’identifier à eux un peu comme Link qui ne parle pas et il n’y a rien d’intéressant à voir de ce côté des œuvres pour la jeunesse. Ce qui ne cesse de m’attrister et de me frustrer parce que j’adore les vampires et le fantastique et j’ai vraiment envie d’un autre Twilight, j’ai vraiment envie d’histoires cool avec des créatures surnaturelles et des romances mignonnes et de l’action – voire des scènes gore si j’ose demander – mais tout ce que j’ai trouvé aujourd’hui qui me satisfasse dans mes recherches c’est Teen Wolf, et je vois bien que j’ai fait un bide avec cette série.

Sauf que voilà, je reviens à la charge. Je reviens à la charge parce que, des années après m’être noyée sous les mauvais livres et accepté l’idée de devoir éteindre mon cerveau dès qu’on me parle de buveurs de sang, j’ai finalement découvert une perle rare.


Hemlock Grove est une série télé – enfin, non. Justement, Hemlock Grove n’est pas une série télé, ce qui lui donne déjà un avantage : on ne se tape pas le résumé des épisodes précédents quand on regarde donc pour se faire un marathon, c’est plus agréable. Les treize épisodes ont été jetés en pâture aux spectateurs sur Netflix le 19 avril 2013, et je n’ai trouvé aucune information sur la publicité à laquelle ils ont pu avoir droit. Tout ce que je sais c’est que des gens en ont parlé pendant quelques mois, sans que jamais je ne sache vraiment de quoi il retournait, ce qui m’intrigua suffisamment pour me donner envie de regarder, et d’un coup, plus rien. Vraiment plus rien. Je sais même pas si la série a eu du succès, je sais juste que dix épisodes supplémentaires ont été annoncés pour 2014 mais, franchement, cette série est un mystère.

Le réalisateur, Eli Roth, a aussi dirigé Hostel et c’est tout ce que j’ai trouvé de parlant dans sa filmographie. Le scénario a été géré par Brian McGreevy, écrivain d’un livre du même nom – mais j’ai pas réussi à savoir s’il avait écrit le livre pour l’occasion ou s’il s’occupe de sa propre adaptation – et Lee Shipman qui n’a rien fait d’autre. Et pour le casting, on a quand même droit à Famke Janssen qui, pour ceux qui ne le savent pas, est l’actrice qui joue Jean Grey dans les films X-Men, qui pour l’occasion revêt un rôle de maman-démon absolument magnifique et terrifiante à la fois, mais à côté de ça, les personnages principaux sont incarnés par Bill Skarsgård (merci le copier-coller) dont j’avais entendu parler uniquement parce que son grand-frère joue dans True Blood (TOUT EST LIE), et Landon Liboiron, qui n’a joué que dans des séries pour ados dans lesquelles il était rasé de près et avait l’air d’avoir douze ans.


Et j’ai commencé à regarder sans avoir la moindre idée de ce dont ça parlait. C’était genre « je crois qu’il y a des loups-garous dedans mais j’ai pas vraiment vu, je sais pas », et le fait que Bill Skarsgård avait une tête qui me plait bien (le genre qui irait bien dans une adaptation du Corps Exquis vous voyez), et ça faisait treize épisodes et si vous avez suivi ça fait des années que je n’ai plus peur de tomber sur de la merde (surtout quand je télécharge illégalement).

Et donc, je vais cesser de faire durer le suspense, mais oui, Hemlock Grove parle de loups-garous.

Mais si c’était juste ça, ce serait vachement simple, je vous expliquerais que j’adore ça et que vous devriez regarder aussi et vous ne le feriez pas et on en aurait fini. Mais HAHAHA rien n’est jamais si simple et c’est ce qui rend mon travail d’écriture ici terriblement amusant.

Je vais faire de mon mieux pour vous faire comprendre.

Nous sommes à Hemlock Grove, une petite ville des Etats-Unis entourée de forêt, charmante et un peu vieillotte, où les gens vivent tranquillement. Si cette ville est intéressante c’est parce qu’il y est implanté un empire de la médecine moderne fondé par JR Godfrey, un homme réputé exceptionnel mais qui pour le spectateur est surtout mort en laissant son frère (joué par Dougray Scott d’ailleurs) à la tête de la société et sa femme à la tête de la ville. Madame Godfrey mène la petite communauté avec une froideur et une délicatesse inhumaines et en fait de même avec ses deux enfants : Roman, jeune homme hautain qui prend son pied en buvant du sang pendant qu’il couche avec de jolies demoiselles et Shelley, MONSTRUOSITE DE DEUX METRES DE HAUT mais la monstruosité la plus adorable de toute l’histoire du fantastique.


Mais ces particularités ne sont pas discutées. Personne n’irait répandre de rumeurs sur les Godfrey de crainte de se voir transformés en repas pour madame ou en sujets d’expériences pour le laboratoire. Il n’empêche qu’à coups de flash-backs et de scènes à l’ambiance malsaine, on comprend rapidement que les deux enfants et leur mère n’ont pas juste l’air effrayants, et qu’il y a bien quelque-chose derrière tout ça, quelque-chose qui relève à la fois du surnaturel et de la science-fiction, mélangeant les dons paranormaux et les morts mystérieuses.

Et dans cette charmante atmosphère, alors que l’été bat son plein, une jeune fille qui allait à un rendez-vous nocturne se fait sauvagement couper en deux en bordure de la ville.

Sauf qu’on ne va pas accuser l’illustre famille, encore une fois. Par contre, une autre cible semble toute trouvée, Peter Rumancek, adolescent gitan qui vient de s’installer avec sa maman dans la roulotte qu’avait laissé son grand père dans la forêt qui entoure le manoir Godfrey. Personne ne se gêne pour dire de Peter qu’il est un loup-garou, de toute façon on n’aime pas trop les gitans à Hemlock Grove (comme partout, me direz-vous).

Sauf que Peter n’a pas du tout tué une jeune fille à la dernière pleine lune. Par contre, lui aussi a l’air de considérer normal d’accuser les gens d’être des créatures surnaturelles, surtout ce gars dans son école qui ressemble à un vampire et sa sœur, on sait pas trop ce qu’elle est mais elle est gigantesque. Et voilà qu’il commence à enquêter parce qu’il est le seul à se dire que Roman est peut-être coupable, sauf qu’en allant voir la scène de crime il se rend compte que Roman pensait aussi que Peter était un loup-garou. Et les voilà tous les deux à s’accuser mutuellement sauf que visiblement aucun des deux n’est le coupable et alors quoi, qu’est-ce qu’il se passe dans cette ville ?

Et j’espère avoir ainsi correctement retranscrit l’atmosphère du premier épisode. Parce que c’est exactement ce qu’il se passe tout au long de la série, on oscille entre les révélations surnaturelles qui se glissent l’air de rien dans les conversations et les événements irréalistes dont on ne sait pas s’ils sont surnaturels ou pas. Je ne vous ai parlé que du vampire et du loup-garou mais ceux-là sont presque anecdotiques à côté des expériences menées dans les laboratoires Godfrey, ou de la nana qui se fait subitement engrosser par un ange (oui). En fait pour ce qui est de Peter, ça se passe littéralement comme ça : tout le monde l’accuse d’être un loup-garou et il ne contredit personne parce que ça semble l’amuser, ce qui donne finalement l’impression qu’il désamorce le truc, mais il rencontre Roman qui l’accuse à son tour et il ne le contredit pas non plus mais plutôt que se dire qu’il se fout de sa gueule, et probablement parce que sa famille est déjà bizarre, Roman continue à le croire et « hey, tu me laisse assister à ta prochaine transformation ? » littéralement.


Et du coup on est pris au dépourvu, enfin j’étais prise au dépourvu, parce que le schéma classique veut qu’un loup-garou essaie de se cacher du commun des mortels, sauf que là, c’est deux créatures qui se rencontrent et qui se montrent mutuellement leurs aptitudes et du coup, ça devient rien du tout, « eh je peux voir quand tu te transforme ? – ouais bien sûr ». Ce qui rend la situation encore plus étrange pour le spectateur, mais finalement tout à fait anodine et inoffensive. Mais à côté de ça, on arrive à s’identifier à eux. En fait, on oscille sans cesse au rythme de l’admiration mutuelle qu’ils se vouent et de leurs réactions plus ou moins appropriées à la situation. D’autant plus que Roman en vérité ne sait pas qu’il est un vampire, il sait juste qu’il a certaines aptitudes ,comme obliger les gens à faire ce qu’il veut au prix d’un certain effort mental, et une famille de dingue ; mais il semble se considérer comme normal. Du coup il est quand même impressionné par Peter et permet quand même au spectateur de se reconnaître dans ses réactions quand il le voit se transformer. Par contre, quand la police débarque et risque de les trouver sur une zone interdite, on est tout à coup Peter en train de supplier Roman de « faire son truc avec les yeux » pour qu’ils puissent s’en sortir sans encombre. Du coup c’est très efficace pour qu’on accepte ceux-là très vite et qu’on les suive au milieu d’une intrigue beaucoup plus complexe.

Parce que finalement Hemlock Grove parle peu de loups-garous. A priori, il y en a un autre en liberté qui a effectivement tué la demoiselle du début. Mais à part ça, il se passe surtout des expériences génétiques bizarres, des gens qui hallucinent au sujet d’un mystérieux « Ordre du Dragon », qui apparemment est une organisation religieuse flippante dont l’une des activités est la chasse au loup-garou et qui envoie une jeune femme pour fouiner, des anges dont on ne sait rien, une cousine capable de communiquer avec les morts, une maman-démon ou quelque-chose comme ça et… ouais, c'est incroyablement dense et quand vous pensez que vous allez avoir des réponses, vous n'obtenez que plus de questions.

En fait c'est tellement dense que même moi, qui connais ce genre de mythes sur le bout des doigts et ai tendance à m'arracher les cheveux quand je vois les scénaristes prendre des libertés n'importe comment et bafouer les règles sous prétexte que "c'est de la magie alors on peut faire ce qu'on veut", même moi donc ai dû fouiller ma mémoire pour retrouver des détails habituellement oubliés et qui ici vous sont balancés à la figure sans plus d'explications, juste parce que ça fait partie du mythe et qu'ils ont correctement fait leurs recherches. Au fond, j'avoue, vous n'aurez pas besoin de connaître ces détails pour suivre l'intrigue, on vous en dira juste assez pour que vous sachiez à quoi ça sert, mais c'est super agréable de voir une série qui ne vous prend pas pour un idiot, et qui vous perd non pas parce qu'elle est inutilement tordue, mais parce qu'elle est suffisamment rigoureuse pour ne pas prendre le temps de tout vous expliquer. Et je trouve ça plus confortable d'un point de vue de l'immersion, aussi. C'est bien mignon de tout expliquer quand il s'agit de fantastique pour ne pas perdre le lecteur ou d'inventer de nouvelles règles pour arranger la narration comme on le veut ; mais pour créer un monde vraiment effrayant, c'est important de jouer sur l'incompréhension, c'est ce qui rend une situation tendue, oh mon dieu que va-t-il se passer ensuite, comment le personnage va-t-il s'en sortir ? Et le fantastique, c'est censé être effrayant, et ça l'est parce que les règles du jeu sont incompréhensibles, tordues, et supérieures au réel.


Par exemple, une information dont tout le monde se fout : la plupart du temps un don ou une malédiction se transmettra dans une famille par le septième enfant d'une fratrie. On s'en fiche, au fond, on peut outrepasser cette règle sans problème, par paresse, parce qu'aujourd'hui c'est plus du tout naturel d'avoir sept enfants - alors que ça l'était au Moyen-âge où les bébés mouraient facilement et où on n'avait pas de contraception. Mais plutôt que d'ignorer ce principe, c'est beaucoup plus flippant de se dire que, dans ce cas, les événements vont concorder pour obliger une famille à avoir un enfant sept fois - par exemple en tuant les six premiers pour forcer les parents à réessayer. Et d'un coup, la malédiction qui ressemblait à une simple fatalité, comme une maladie héréditaire, devient une force destructrice que rien ne peut arrêter. C'est comme ça que ça se passe dans Hemlock Grove : on vous présentera des situations parfaitement compréhensibles, le don de la mère s'est transmis au fils, très bien. Mais ensuite on va vous dire que la mère a tué ses enfants sans états d'âme jusqu'à ce qu'il lui naisse un fils à son image. Et on ne vous dira pas que c'est une règle habituelle de voir le don se transmettre au septième fils, mais on vous donnera les conséquences de cette règle. Juste ce qu'il vous faut pour suivre l'intrigue, mais avec pour base une vraie rigueur dans l'utilisation de la mythologie. Et j'ai tellement jamais vu ça que j'ai envie de me mettre à genoux devant les créateurs.

Maintenant, je vais dire quelque-chose sans avoir la moindre preuve de ce que j’avance mais, à mon avis, c’est un autre effet de sa diffusion sur le net et non pas sur une chaîne télévisée. Je sais pas comment ça s’est passé hein, mais dans l'idée ça laisse des libertés : c’est plus facile de créer une intrigue complexe quand on sait que les spectateurs pourront de toute façon voir les épisodes à la vitesse qu’ils veulent et les revoir facilement s’ils le souhaitent.

De même que c’est plus facile d’y ajouter des scènes gore parce qu’on aura pas besoin de se soucier de passer en première partie de soirée. Ce qui mène à un autre avantage, c’est qu’ils n’ont pas eu besoin d’en foutre forcément plein la vue dans les premières minutes pour garder le public, donc les effets spéciaux sont correctement dosés et administrés en doses agréables là où il faut – et c’est seulement au deuxième épisode qu’on a droit à la transformation en loup-garou la plus épique que j’aie pu voir depuis très longtemps.

Si vous voulez vous spoiler, ça se passe par là.


Et je dis ça des scènes gore mais il y a aussi un autre aspect très rafraîchissant, c’est la représentation des personnages gays. Et je vais dire un truc qui va sans doute vous étonner mais, je trouve très agréable de ne pas avoir de sous-entendus super lourds sur la relation entre les deux personnages masculins. Non, vraiment.

Parce qu’à la télé, ils s’amusent avec ça parce qu’ils savent que ça attire du public et je les en remercie parce que ça m’amuse effectivement, mais ils ne vont jamais plus loin que le sous-entendu parfois même super évident parce que sinon ils perdent l’autre moitié de leur public – et ça donne lieu à des situations frustrantes voire vraiment énervantes parfois oui c’est toi que je regarde Supernatural. Mais là, il y a certes des sous-entendus et je vais quand même me dire qu’ils vont finir ensemble parce que ça devient étrangement gênant dès qu’ils parlent de gays, mais c’est la première fois qu’on essaie pas de me faire passer de l’amitié pour une romance qui n’en sera jamais une à base de je-me-tiens-à-quatre-millimètres-de-toi, et ça fait du bien. Alors peut-être que ça va changer par la suite et j’en serai satisfaite aussi, mais pour l’instant, j’apprécie la réserve et le respect de l’espace personnel de chacun. D’autant qu’en plus de ne pas jouer la fausse propagande gay au travers de leurs personnages principaux, on a quand même pour le personnage de la chasseuse de l’Ordre du Dragon une femme correctement écrite, noire, et lesbienne – et je ne comprends pas pourquoi tumblr ne parle pas plus de cette série alors qu’ils sont tant à cheval sur l’égalité. D’ailleurs y a eu tellement de lesbiennes en si peu d'épisodes qu’ils ont sûrement explosé le record de toutes les autres séries réunies. En fait, y en a eu genre, quatre, soit deux couples, mais c’est déjà plus que la moyenne. Je me sens représentée, ça ne vous fera sans doute rien mais ça participe quand même à mon intérêt pour la série.


Encore une fois, je pourrais vous écrire une dissertation. Je pourrais vous parler de chaque détail et de comment je le ressens, je pourrais m’extasier pendant des heures sur la manière dont Shelley est un personnage exceptionnel parce qu’elle est celle qui est la plus étrange à première vue mais en même temps étonnamment humaine et attachante, je pourrais vous parler encore longtemps de cette écriture en deux temps, qui mélange la normalité aux anomalies et qui offre une expérience plus pure que ce que j’ai pu voir jusqu’à présent : une véritable introduction d’un élément surnaturel dans un monde normal avec tout ce que ça implique comme règles bousculées, et pas juste deux mondes séparés qui se rencontrent soudainement. Mais je ne ferais que vous répéter encore et encore à quel point je suis une fangirl et pas tellement à quel point cette série peut vous intéresser. En fait je ne sais même pas si elle va continuer à m’intéresser, je ne sais pas encore si elle est vraiment géniale ou comment je vais appréhender la suite, mais voilà : je suis accro aux histoires fantastique et pour une fois que j’en trouve une qui ne soit pas une amourette stupide pour adolescentes, je vous propose de tenter l’expérience avec moi. On s’amusera bien, promis. J’ai du pop-corn et des couvertures.

Heyyyy.

Avec ou sans réponses à ce post, on a un trailer pour une saison 2 et mon petit coeur de jeune fille rebelle en est empli d'excitation. <3