[Les fonds de tiroir] World War Z
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[Les fonds de tiroir] World War Z

Ven 19 Déc - 19:05



Ça alors, vous êtes encore là ! C’est sympa ça, on va pouvoir prendre le thé tous ensemble, aujourd’hui j’ai envie de vous parler de Max Brooks, un auteur qui écrit principalement de l’horreur et principalement sur les zombies, mais ne partez pas ! C’est…

Bon d’accord, cette fois, on ne va pas pouvoir faire semblant : World War Z, ça parle de zombies mangeurs d’hommes. Comme ça, vous pouvez passer votre chemin si vous n’aimez pas trop les zombies mangeurs d’hommes. Cependant, j’aimerais vous rappeler que je n’aimais pas trop ça non plus, avant. Donc si ce livre a retenu mon attention, c’est qu’il y a quelque-chose de vraiment particulier dedans.

Alors d’abord, on va se demander pourquoi. Pourquoi World War Z alors que les histoires de zombies ne m’intéressent pas.

Eh bien, d’abord parce qu’il y a eu un film et qu’on m’a ordonné de le regarder et comme je suis faible, je l’ai fait. Et quand je regarde un film et que le concept m’intrigue, j’aime bien lire le bouquin ensuite.

Ensuite, parce que je n’ai pas juste lu World War Z. En fait j’ai trouvé l’Intégrale Z dans une librairie, qui contient World War Z, mais aussi Closure, Limited et autres histoires de zombies, quatre nouvelles du même auteur qui sont plutôt pas mal, et Le guide de survie en territoire zombie (qui m’a appris que j’ai plutôt intérêt à changer de maison).

Et il se trouve que Closure, Limited… est introduit par un petit mot de l’auteur, qui explique l’origine de sa passion pour ces créatures du cinéma. Et cette introduction contient une phrase qui, d’une part, m’a fait remettre en perspective toute mon expérience en matière de films d’horreur, et d’autre part m’a quasiment offert sur un plateau la grille d’analyse pour vous présenter cette œuvre.

« L’horreur dépassait les zombies en tant que tels. Elle résidait dans notre incapacité à réagir correctement. »

Oui, vous savez quand les héros du film d’horreur sont poursuivis dans la forêt par un tueur muni d’une tronçonneuse et qu’ils se dirigent tout droit vers le piège, on a envie de hurler « NE FAIS PAS CA IMBECILE » ; eh bien ce n’est absolument pas ce qu’il se passe dans World War Z. Parce que cette remarque est suivie d’une autre, dans laquelle Max Brooks déclare qu’il n’a pas l’intention de tomber dans ce piège. Qu’il veut être préparé à une apocalypse zombie. Et quand on lit WWZ, on sent le mec qui maîtrise son sujet et c’est de ça que je vais vous parler.

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Ceci n’est pas un livre.

Bon alors commençons par là : deux mots sur le film.
Le film World War Z est sorti en août 2013, il a été réalisé par Marc Forster, qui est un type sur lequel j’ai absolument pas d’avis, y a Brad Pitt dedans, sur lequel j’ai pas d’avis non plus, et ça parle de zombies qui menacent l’humanité. Il est adapté du livre World War Z de Max Brooks et ça se remarque parce que le titre est le même.

Et c’est tout.

Je vais avoir l’air d’exagérer mais je vous promets que je n’exagère pas du tout : il n’y a absolument AUCUN point commun entre le livre et le film si ce n’est qu’ils contiennent tous les deux des zombies. A la limite, le personnage principal travaille pour l’ONU dans les deux cas, mais je sais même pas si ça compte vraiment parce que le personnage principal n’est pas très présent dans le livre.

En fait, adapter ce bouquin était vraiment une mauvaise idée. Je peux même pas dire que l’adaptation est mauvaise. C’est pas ça. En fait je reviendrai sûrement plus tard sur le fait que ce n’est pas une mauvaise adaptation. C’est juste que c’était une mauvaise idée d’y songer en premier lieu.

Le truc, c’est que WWZ n’est pas juste un livre, c’est un témoignage. Témoignage d’événements fictifs, certes, mais tout de même. C’est un récit qui raconte, douze ans après, comment le monde a été dévasté par une guerre entre l’humanité et… la non-humanité, et comment ça s’est passé. C’est un retour sur les événements. Raconté par des personnages qui ont du recul sur leur situation. Donc on n’y entre pas comme dans une histoire normale, en découvrant peu à peu l’univers et en suivant son évolution, en attendant la résolution d’une intrigue. Quand on lit WWZ, l’intrigue est déjà résolue et on soulève le voile sur un passé imaginaire. C’est pas un livre, c’est un cours d’histoire.

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Une histoire ORALE des zombies, qu’est-ce qui vous a fait croire qu’on pouvait en faire un FILM.

Donc en fait, le « narrateur » est supposé faire un rapport sur la situation pour les archives de l’ONU, pour que le monde soit prêt au cas où la situation se reproduise. Il a donc interrogé des personnages qui, à un moment où à un autre, ont joué un rôle dans les événements et mis tous ces témoignages en commun. Et on lit ces témoignages, rangés selon cinq ou six parties différentes : le début, le moment où tout le monde panique, la guerre à proprement parler, comment les différents pays se débrouillent, quand on commence à trouver une solution, et ce qu’il reste à la fin. Le « narrateur » est à peine présent puisqu’il s’est contenté d’écouter les témoignages et de les retranscrire. Ce qui prend le plus de place, c’est la voix de ceux qui racontent. Parce qu’ils ont fait des trucs bien, parce qu’ils ont fait des trucs mauvais, parce qu’ils essaient de se dédouaner, parce qu’ils ont une opinion sur ce que les autres ont fait ou la manière dont les gouvernements ont géré les choses.

« C’est beaucoup trop humain », m’a expliqué la responsable de la CPTNU lors d’une de nos nombreuses conversations « animées ». « Trop d’opinions personnelles, trop de sentimentalisme, tout ceci est hors-sujet. Ce qu’il nous faut, ce sont des faits précis, des schémas clairs, débarrassés de tout pathos. » Et bien entendu, elle avait raison. Le document final devait compiler données brutes et informations détaillées, bref, un rapport officiel objectif qui permettrait aux générations futures d’étudier les événements de cette décennie apocalyptique sans s’encombrer de « pathos ». Mais n’est-ce justement pas le « pathos » – le facteur humain – qui nous relie si profondément au passé ? Les enfants de nos enfants préféreront-ils vraiment une chronologie statistique aride aux témoignages personnels et authentiques d’individus auxquels il est beaucoup plus facile de s’identifier ? En excluant le facteur humain, ne risque-t-on pas de prendre trop de recul par rapport à une histoire qui pourrait un jour – Dieu nous en préserve – se répéter ? Et, au final, n’est-ce pas précisément le facteur humain qui nous différencie de cet ennemi que nous appelons « mort-vivant » à défaut d’autre chose ? Autant d’arguments passionnés que j’ai avancés à ma responsable, peut-être moins professionnellement qu’il n’aurait fallu, avant de conclure par un déchirant « On ne va tout de même pas jeter tout ça aux oubliettes ! ». « Qui vous a demandé de tout jeter ? a-t-elle répliqué. Faites en un livre. Vous avez encore vos notes, non ? Et toute légitimité pour vous en servir. Qu’est-ce qui vous empêche de l’écrire, ce (juron effacé) de livre ? »
— Introduction à World War Z

Y a un truc qui est déjà bien plus intéressant que n’importe quelle autre œuvre de science-fiction, c’est que ça se passe vraiment partout en même temps, sur de nombreuses années, et de différentes manières selon les pays. Donc on nous raconte des situations qui tiennent beaucoup moins de la terreur que de la politique. Au début, c’est la panique. Quand les infections se multiplient et qu’on n’a aucune idée de ce qu’il se passe et qu’on essaie de fuir et de s’échapper. Quand l’armée s’en mêle mais qu’on se rend compte que toutes les armes humaines sont faites pour stopper des humains, qui meurent de n’importe quoi, alors que les zombies ont besoin d’être précisément décapités sinon ils continuent à ramper inexorablement vers vous et se fichent de vos fumigènes et de vos grenades et même de vos mitraillettes automatiques trop imprécises. Mais voilà le truc : rapidement viennent les faits concrets, qui rendent le récit réaliste, et immédiatement on cesse d’être dans le récit d’horreur pour être dans quelque-chose qui s’apparente plutôt à du journalisme de guerre. Ou plus exactement, on entre dans un récit d’horreur 2.0 où le danger n’est plus seulement le zombie, mais l’extrapolation de situations fictives à un degré de vraisemblance très précis.

Je sais pas si c’est clair, mais voilà quelques exemples :

A un moment on nous parle de comment les gens se sont débrouillés à Paris : eh bien, ils se sont dit qu’ils allaient se planquer dans les catacombes. Et ça aurait pu être une bonne idée si les infectés n’avaient pas réussi à les atteindre quand même, transformant la « cachette » en espèce de guet-apens. On nous raconte comment l’armée descendait dans ce labyrinthe de boyaux sombres et humides, les soldats vêtus de combinaisons anti-requins pour éviter les morsures, s’en allant tuer manuellement chaque zombie pour éviter qu’un jour l’un d’eux ne ressorte à la surface et que l’épidémie recommence. Sans jamais savoir, vu la taille de la zone et la difficulté à s’y repérer, s’ils avaient jamais fini. Et le doute reste : est-ce qu’il n’y en a pas encore un, planqué quelque-part, qu’on aurait manqué ?

On nous parle du fait que les zombies gèlent en-dessous de 0° pour dégeler dès que la température remonte, donc les gens se précipitaient vers le Canada où la Sibérie en se disant qu’ils y seraient tranquilles. Mais oubliant qu’à de telles températures rien ne pousse et rien ne vit, ils finissaient tous par mourir non pas d’une morsure, mais de la faim et du froid. On nous raconte comment les derniers survivants désespérés mangeaient les cadavres des autres, c’est-à-dire l’ironie suprême quand l’humanité est menacée par la mâchoire de son ennemi.

On nous raconte comment, au début de l’invasion, la Corée du Nord a complètement fermé ses portes et comment on n’a pas la moindre idée, même à la fin, s’ils ont réussi à survivre, s’ils savent que la guerre a pris fin, ou s’ils se sont tous entre dévorés, pris au piège de leurs propres frontières. Et personne n’ose aller voir parce qu’imaginez si on libérait d’un coup ces milliers de zombies ?

Voilà ce qui fait peur : qu’on finisse par accepter le récit comme tellement vraisemblable qu’on peut se permettre d’avoir des doutes et des craintes concrètes, pas seulement celle de « oh mon dieu imagine si c’était vrai ». Si c’était vrai, ça ressemblerait exactement à ça. Si c’était vrai, on s’inquièterait de savoir ce qu’il advient de la Corée du Nord.

C’est ce qu’il manque à la plupart des récits de zombies qui m’ont été proposés, c’est qu’on se concentre sur un petit groupe de survivants pour essayer de créer de l’empathie, mais ça ne fonctionne pas, parce qu’on passe alors à côté de tout le principe d’invasion. Même quand les quatre potes en road trip pour rejoindre telle ville encore saine tombent sur un zombie en dévalisant un supermarché, il est tout seul ; c’est n’importe quoi. Ce qui est passionnant dans WWZ c’est l’aspect, eh bien, mondial, du phénomène. La grande échelle. Le fait que les gens n’ont pas survécu à trois ou quatre mais par groupes nombreux, organisés, communiquant les uns avec les autres, tirant le meilleur parti de notre monde moderne où, justement, l’union fait la force. Un récit post-apocalyptique avec un retour à des conditions moyenâgeuses, qui est le cas de WWZ puisqu’à la fin tout a quand même été pas mal bousillé, ne va pas obligatoirement de pair avec un rejet de nos habitudes. Certes on arrête de téléphoner puisque personne ne s’occupe plus de s’assurer que le réseau émet. Mais on ne va pas se couper de toute société, puisqu’on a l’habitude, depuis bien avant le Moyen-âge, que la société soit ce qui nous protège. D’ailleurs y a une métaphore absolument géniale de ça dans le bouquin, qui nous dit que les écossais et les britanniques en général se sont planqués dans leurs châteaux forts. Exactement comme dans les guerres de l’époque médiévale. Parce que depuis toujours les hommes ont cherché à se protéger des envahisseurs.

C’est la meilleure partie du livre et c’est aussi probablement la raison pour laquelle l’adaptation est tellement bizarre.

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Tu avais pourtant tellement de potentiel

Le truc c’est que techniquement, condenser autant d’informations en deux heures n’est pas possible. Le fait est que le livre est fait pour être lu, dans sa forme. On dirait que j’enfonce des portes ouvertes, mais vraiment, y a des livres qui sont fait pour créer des images et y a des livres qui sont faits pour jouer avec leur support, et WWZ fait partie de cette seconde catégorie. Donc peut-être le meilleur moyen de l’adapter était encore de faire un film qui n’avait rien à voir.
En en fait, question adaptation, il ne s’en sort pas si mal : si on y regarde de près il conserve les grands axes de la narration, le patient 0, la panique, la guerre, la solution, la fin qui n’en est pas vraiment une. Quant au prétexte trouvé pour accélérer les choses, qui consiste à dire que le virus a besoin d’un corps viable et que donc les malades sont épargnés, il n’est pas complètement stupide : dans l’Intégrale Z, les zombies mordent tout le monde, même les animaux (qui ne peuvent pas être zombifiés cependant), mais il y a une nouvelle qui contient des vampires. Et ces vampires sont ignorés par les zombies parce qu’ils sont morts, donc par définition, inintéressants. Ce n’est pas si loin de l’idée d’ignorer les malades du cancer. Le film WWZ fait un bon film d’action, en lui-même, adaptation mise à part. Cependant il manque le goût particulier qu’a le livre. Le goût de réalisme et de rigueur. C’est pour ça qu’on a tellement l’impression qu’ils sont le jour et la nuit.

Je trouve néanmoins cette question très intéressante. Ca pose la question de ce qui fait une bonne adaptation, ça pose la question de l’importance du média quand on raconte une histoire, du coup pour nous ça pose la question de ce qui fait un bon jeu-vidéo, peut-être ? A quel point nos jeux jouent-ils avec notre support ? A quel point les jeux nouveaux, de plus en plus « cinématographiques », jouent-ils avec leur support ? Est-ce qu’une rigueur scientifique aussi précise que celle de WWZ pourrait fonctionner pour faire un bon jeu vidéo, où est-ce qu’au contraire ce média demande plus d’action et moins de blabla, comme dans le film ?* Tout un tas de questions auxquelles je n’ai pas de réponse, mais qu’il serait intéressant de creuser. Voilà pourquoi, même si je n’ai pas aimé les zombies, j’ai adoré World War Z. Voilà pourquoi je me dis que ça pourrait vous intéresser.

*Si j’avais joué à The Last of Us, c’est ici que je ferais probablement une comparaison avec ce jeu, qui non content d’évoquer le même genre d’univers, est aussi très justement ancré dans la problématique en raison de son aspect particulièrement narratif. Malheureusement, je n’ai pas encore joué à The Last of Us.

*Même chose pour The Walking Dead.
Kana
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Ven 19 Déc - 19:23



Ceci m'a l'air d'un must-read, l'idée d'une invasion mondiale offre en effet des perspectives très alléchantes.
Castelin Norway
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Lun 22 Déc - 12:20



Hehe, honnêtement c'est devenu un de mes bouquins préférés presque instantanément. <3
Kana
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