[Histoire] 1983, la fin du jeu vidéo

Krach du jeu vidéo de 1983-1984

Il y a 30 ans, aux Etats Unis d’abord, puis dans le monde entier, le jeu vidéo s’est arrêté.

L’an de grâce de 1972, c’est le point de départ de la nouvelle coqueluche des américains : Le Jeu Vidéo. Après d’obscurs essais dans les laboratoires par des scientifiques binoclards en blouse blanche, le concept mûrit, pour devenir un produit de consommation.
Ce produit, c’est la borne d’arcade Pong. Rudimentaire, voire primitif, cette imitation de ping pong remporte un franc succès. On met une pièce, on joue. Les bases de l’arcade sont jetées. Une des premières machines était même curieusement tombée en panne peu de temps après son installation, tout simplement parce que le monnayeur avait saturé, suite à trop de pièces reçues. Rien que ça !

La borne Pong originale de 1972
Le problème, c’est qu’au fil du temps, le concept s’essouffle. Alors Atari claque fort, et sort une version domestique du Pong. Plus besoin de dépenser de l’argent au troquet du coin, le jeu est directement jouable sur la télé du salon ! Pour Atari c’est le jackpot, et des consoles basées sur le même principe fleurissent un peu partout sur le marché, même en Europe.

Le modèle domestique
Mais en 1975 un petit nouveau vient jouer les trouble-fête. Il s’appelle FairChild Semiconductors, et il nous balance sur le marché une machine qui fait passer les Pong pour de sales merdes primitives. Et pour cause, leur console VES, rebadgée Channel F un peu plus tard, est une machine programmable à cartouches interchangeables !

Une V.E.S.
Les machines Pong n’avaient que quelques jeux fichés en ROM, et il n’était pas possible d’en rajouter de nouveaux. On avait bien, de ci de là, des machines proposant d’autres concepts que le Pong, comme le flipper ou la course de voiture, sur des machines souvent assez « réalistes », repiquant l’apparence c’un panneau de commande d’une vraie pinball machine ou d’un cockpit de voiture. Mais il fallait racheter une nouvelle machine par type de jeu, et ça revenait assez cher ! Et comme ces machines étaient de fait assez rarissimes car chères, le plus répandu restait la console avec ses dérivés de Pong intégré. Le public s’est vite lassé.
Atari se devait de réagir. Pour garder leur place de maître du monde du jeu vidéo, il fallait vite tuer la petite Channel F avant qu’elle devienne grande. En 1977, Atari sort enfin sa machine à cartouches, nommé VCS (Video Computer System). Le nom était même fait exprès pour ressembler à VES (Video Entertainment System), afin de causer une confusion dans le public ! C’est pour ça que Fairchild a renommé sa machine.

Le premier modèle de VCS, surnomée “Heavy Sixer” à cause de son poids et de ses 6 interrupteurs en façade
Mais rien n’y fera, l’Atari cartonne. Elle règne sans partage pendant 3 ans, date à laquelle la concurrence pointe le bout de son nez. La concurrence, elle s’appelle Mattel Electronics.
Le célèbre fabricant des petites voitures Hot Wheels et de la poupée Barbie estime qu’il y a pas mal de pognon à se faire sur ce nouveau média, à l’époque encore très ciblé pour attirer les enfants.

Une Intellivision. Sur les manettes étaient disposés un clavier type téléphone, par dessus duquel l’on insérait une feuille de carton plastifiée fournie dans chaque jeu, pour personnaliser les commandes.
Et en 1980, ils sortent leur propre console, l’Intellivision (Acronyme de Intelligent Television). Et avec un argument de poids : la machine est plus puissante que la VCS. La publicité comparative étant légale aux US, ils se sont pas privés de foutre les jeux VCS et Intellivision côte à côte, en s’arrangeant pour faire passer les jeux Atari pour de sales merdes moches et datées.

Une de ces fameuses publicités.
La stratégie sera payante en partie, l’Intellivision ayant eu son petit succès, mais n’ayant pas pu ravir la place de leader qu’Atari garda jalousement, grâce à sa notoriété déjà acquise de longue date, et par l’achat avec big $$$ de l’exclusivité de certaines licences prestigieuses en Arcade (Space Invaders et Pacman pour ne citer qu’eux)
En 1982 arrive la petite dernière de chez CBS, la Colecovision. Et là, l’argument est simple. Faire encore plus costaud que L’intellivision ! Pari qui fut pleinement rempli puisque les jeux sur Coleco avaient presque exactement la même tête que sur Arcade, un sacré bond en avant comparé à l’Atari et ses adaptations grossières avec des pixels aussi gros que le pouce !

Une CBS ColecoVision. La console n’aura pas vécu bien longtemps, sortie trop peu de temps avant le krach.

Et ça cartonne. Les rares autres tentatives de concurrence se sont fait méchamment balayer, et il n’y a que le standard Videopac qui réussit à cohabiter avec les 3 grands, uniquement en Europe.
Sauf que voilà. A l’époque, la publication de jeu vidéo n’était absolument pas contrôlée par les fabricants de systèmes. Ce n’est pas comme maintenant, où un jeu doit être approuvé par Sony/Crosoft/Tendo pour être publié. Si vous saviez programmer une console, et aviez assez de $$$ pour payer la production de cartouches, alors vous pouviez sans problèmes produire votre jeu et le vendre.
Et ce mode de fonctionnement, les industriels l’ont bien vite compris. Beaucoup d’entreprises éphémères se sont montées, ont bricolé des jeux à la va vite, et les ont vendus au prix fort, pour s’en coller plein les fouilles. Et le prix fort, c’était 40$ de l’époque, soit entre 300 et 450 francs de l’époque à peu près pour chez nous.
Le public étant constitué d’enfants dont les parents s’occupaient de leur acheter leurs jeux vidéo, les gros industriels n’ont pas hésité à matraquer l’audience à coup de publicitsé tapageuses et d’illustrations mensongères sur les boîtes de jeu pour appâter le chaland.
Problème, il est arrivé un certain stade où 80% des jeux vendus n’étaient que de vulgaires repompages de gros bonnets comme Pacman, grossièrement déguisés et programmés parfois en même pas 3 jours. Du sous-jeu vidéo, en quelque sorte.
Et pour le consommateur, acheter un jeu pourri à 40 bucks, ça fait déjà chier une fois. Une deuxième fois, ça fait vraiment mal par où ça passe. Et la troisième fois, c’est la fois de trop.
Convaincus maintenant que tous les jeux vidéo étaient dorénavant devenus des sombres merdes, plus personne n’acheta quoi que ce soit.
Aux US, le marché du jeu vidéo marchait comme celui des jouets, avec un système apparenté à la consigne. Un jeu qui ne se vend pas est retourné à l’éditeur, qui soit les rembourse, soit en donne d’autres. Problème, il n’y a pas assez d’argent pour rembourser les magasins, puisque plus aucun jeu ne se vend! Et ce ne sont pas les rabais allant jusqu’à -90% qui changeront quoi que ce soit. Le public est lésé, et s’est depuis tourné vers la micro informatique, plus avenante, avec ses capacités techniques bien supérieures aux consoles, et la possibilité de coder ses propres jeux. La facilité de la copie à l’époque a probablement bien aidé, puisque les jeux n’avaient peu ou pas de protections .
Les éditeurs, un à un, mettent la clef sous la porte. Il n’y a plus de jeux qui sortent sur les consoles, qui donc galèrent à se vendre. Au final, Mattel Electronics et CBS décident d’arrêter le massacre. Et même si chaque console eut son lot d’extensions matérielles pour pouvoir les transformer en micro ordinateur, afin de sauver les meubles, rien n’y fait. Ces extensions sont de piètre qualité , et sont techniquement à la ramasse par rapport aux « vrais » ordinateurs. Le jeu vidéo était donc considéré comme une simple mode, qui était désormais passée. Les stocks de jeux invendus sont détruits, puisqu’il ne fut pas rare que les éditeurs surestimaient leurs objectifs de vente. Atari avait même fabriqué plus de cartouches de l’adaptation de E.T. sur VCS qu’il n’y avait de 2600 en circulation ! Les invendus furent coulés dans le béton.
Atari, quant à eux, ayant senti le vent tourner, se sont concentrés principalement sur leur branche micro informatique, déjà bien ancrée dans le public avec l’Atari 400/800. Quelques Atari VCS,renommée depuis 2600, recarrossées pour l’occasion se vendent sporadiquement, et la 5200, sortie en 82, fut un bide monumental.
L’industrie étasunienne ne s’est relevée que très tard de cette grosse tuile, puisque c’est Microsoft qui refit sortir la tête de l’eau du hardware américain, avec la Xbox, en 2001.
Ce sont les Japonais qui reprirent le flambeau, car le pays n’a jamais connu cette crise qui a touché de plein fouet l’Europe et les USA.
Mais ça, c’est à suivre pour le prochain pavay :3

Un bon pavé bien fait et instructif comme on les aime. Je verrais juste un petit truc à redire : t'aurais pu parler de l'Odyssey, qui est quand même la première console de salon (et puis une console avec un Winchester, ça pète quand même la classe :D).

Oui, j'avais pensé à glisser un mot à propos de l'Odyssey, mais y'avait pas matière.
A mes yeux, l'impact au près du public était beaucoup trop limité, et si j'avais dû glisser un mot sur cette machine, j'aurais dû en parler plus longuement pour bien l'expliquer, et je me serais égaré.

Joli petit cours d'histoire :3 Et sur un aspect des choses auquel on ne pense pas forcément en plus, donc d'autant plus intéressant. :33
Toujours bien écrit et facilement compréhensible en plus, je te tire mon chapeau une fois encore et j'attends la suite avec impatience ! o/

Un nouveau pavé pour Noël. Cellyra, veux tu devenir le papa Noël du forum? ;w;

Très instructif, il offre un regard intéressant sur cette période peu connue. J'en avais entendu parler une fois dans une des conférences du Nesblog, avec Douglas Alves, mais pas plus que ça. En plus, faire un historique par les consoles, c'est vraiment quelque chose de très clair. Ca permet de bien poser les bases, et c'est parfaitement ce qu'il me faut, personnellement.

J'aimerai bien trouver (ou faire) une frise chronologique avec toutes les consoles, histoire de bien tout mettre au clair. Ca ferait le point sur ce désordre historique qu'est ma tête. Merci pour le pavé, donc. Comme Elione, j'attends la suite avec impatience! :D

Titre accrocheur pour un pavé qui ne l'est pas moins :p
Super article, j'ai vraiment hâte de voir la suite ! J'avais déjà eu vent de certaines de ces informations, notamment grâce à l'angry video game nerd, mais là ça va vraiment dans le détail et c'est cool ! :3

Pas faux Cell', je me suis dit aussi que l'Odyssey était dur à caler et peu connu, mais elle me fait tellement rire avec sa Winchester. En tout cas encore bravo :).

L'Odyssey, il y avait pas une histoire de papier calque à coller sur son écran pour avoir différents tableaux ?

Oui, la machine ne savait pas afficher mieux que quelques carrés, alors il fallait coller des overlays sur la télé, qui tenaient grâce à l'électricité statique des tubes cathodiques, afin que les jeux aient une meilleure apparence.